Le blog de Marie

Sur le trottoir, elle était, là debout à l'arrêt du bus.
Une fin de matinée.

Je passais... vite, la tête ailleurs.
Elle était là ...et mon cœur a battu autrement. Le monde qui s'arrête. Et cette image comme une vague qui monte, une douce marée, le cœur qui s'emplit d'un coup. Sauvage, inattendue.
Elle était là, totalement inconnue. Je la croisais pour la première fois et la croiser est un mot bien faible .

Je passais ...comme on passe dans une rue, sans voir quiconque entrer dans sa vie, croisements éphémères de corps pressés ou lents, occupés à leurs propres jours, à leur propre histoire unique et indéfinissable.
 Simple croisement de trajectoires brèves plus que courtes.
Il faisait, je crois, un soleil avec de gros grains de lumière qui tombaient sur la ville. Dans une étonnante clarté chaude au cœur de l'hiver. Que reste-t-il à dire ?

Elle a fait que les mots s'ordonnent différemment, qu'ils sortent, pour aller leur route ailleurs là où je ne sais pas, aujourd'hui ou plus tard et encore plus tard, se détachant de moi,  comme si elle avait moissonné ma récolte, sans que je sache avant elle qu'il était temps que je les cueille, que je les pose sans réfléchir, juste dans l'exigence d'une émotion imposée.  

Elle a fait que je les assemble un a un dans le retour de cet instant précieux toujours présent en ma mémoire, encore un peu, comme une marque, l'effleurement d'une plume.

Elle était là. Petite dame sans visage. Silhouette tranquille cernée de paniers vides, debout à l'arrêt du bus. Solide peut-être et fragile sans doute. Pétales envolés sous les caresses des vents.

Petite dame déjà vécue, pleine de rides et de sourires, de pleurs et d'écorces rudes ou tendres qui habitent le creux de la main à la rencontre des vieux arbres.
 Elle devait être belle ou peut-être pas, là n'est pas l'important. Ses bas vrillaient sur ses jambes, comme les tire-bouchons qui s'accrochent aux nœuds de la vigne.

Ecriture physique sur la partition d'un corps, calligraphie non calculée, maladroite, échappée à la vigilance du paraître.

 Elle me fut proche alors, ni femme, ni mère, ni grand-mère, juste une reconnaissance d'un même monde, d'une appartenance commune, comme une humanité retrouvée, dans la douce violence de l'instant...
                                                                              
                                             juin1999

Marie Odella
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